Peut-être avez-vous visionné le film Blood Diamonds (Diamants de sang), mettant en vedette Leonardo DiCaprio, ou regardé certains reportages qui ont été diffusés sur les ondes télé sur le sujet. Peut-être avez-vous réagi comme bien d’autres en vous disant que vous ne vouliez plus acheter de diamants pour ne pas encourager de telles monstruosités.
Bien sûr, il serait facile pour moi d’offrir à ma clientèle uniquement des diamants canadiens, des pierres extraites dans les meilleures conditions approuvées par les environnementalistes et par les populations locales (autochtones pour la plupart). Cette magnifique industrie a fait l’objet du texte que vous avez pu apprécier la semaine dernière. Mais aujourd’hui, je vous explique pourquoi il faut continuer d’acheter des diamants « génériques », c’est-à-dire, de provenance non connue ou non retracée.
D’abord quelques notions de base au sujet du diamant.
Nous savons que la cristallisation des diamants se produit sous d’intenses chaleurs et des pressions extrêmes. Cette cristallisation ne peut pas se produire en surface. Les atomes de carbone se fusionnent pour devenir des diamants à une distance approximative de 300 km sous la croûte terrestre. Quand nous les trouvons tout juste sous nos pieds, c’est que les cristaux ont été propulsés à la surface par la force des volcans. Les cailloux ainsi éparpillés par l’éruption et par l’érosion sont alors transportés par les cours d’eau avoisinants. La montagne volcanique de forme conique est aussi disparue au fil des siècles, érodée par l’eau et le vent.
Alors, en 2007, où trouve-t-on les diamants ? Les anciennes cheminées volcaniques, maintenant éteintes, sont les sources d’exploitation les plus riches en concentration. Nous les appelons « gisements primaires ». Ces cheminées, situées au Botswana, en Afrique du Sud, en Russie, en Australie et au Canada (ces cinq pays produisent ensemble près de 80 % de toute la production mondiale), sont exploitées par les plus grandes compagnies minières mondiales. Pourquoi pas par de petites industries locales ? Pensons aux capitaux monstres que l’investissement requiert : l’installation des infrastructures de la mine Diavik dans les Territoires du Nord-Ouest a coûté plus de 975 millions de dollars, entre 2000 et 2003, avant même qu’on en sorte un premier lot de diamants. À cela s’ajoute une promesse de remettre les lieux dans l’état original au moment de fermer la mine vers 2025 ! Depuis le dernier quart du siècle précédent, les nouvelles mines de diamants sont soumises à une multitude de programmes environnementaux, une condition à remplir avant de pouvoir obtenir un permis d’exploitation. On peut donc garantir, en 2007, que les gisements primaires sont devenus des exploitations « vertes », sécuritaires et socialement responsables.
Comment se fait-il que des pays comme la Namibie, le Sierra Leone ou le Brésil soient des producteurs de diamants sans qu’on n’y ait trouvé une seule cheminée volcanique ? Les cristaux éjectés par les cheminées volcaniques du cœur de l’Afrique ont été emportés, principalement par l’eau. C’est ce qu’on appelle un dépôt ou un gisement « secondaire ». La rivière Orange est la principale responsable de l’évacuation de milliers de carats vers la côte ouest de l’Afrique, et ce, jusqu’à l’océan. Heureusement, des courants marins ramènent les précieux cailloux sur tout le littoral. C’est pourquoi, en Namibie, du nord au sud de ses frontières, les rives de l’océan sont divisées en lots exploités par des compagnies nationales et internationales. Des aspirateurs industriels géants sont utilisés sur les plages pour récupérer les cristaux de diamants dissimulés dans les sables et rochers. Des plongeurs professionnels font de même sous les vagues. Les quantités de diamants récupérées sont moins importantes que les quantités trouvées dans les gisements primaires. Par contre, ayant voyagé sur une grande distance au creux des eaux parfois tumultueuses, les cristaux de diamants plus faibles (ceux qui ont beaucoup de fractures et d’importantes impuretés) se sont fracassés au cours du transport, laissant dans les dépôts secondaires les qualités les plus rentables financièrement.
Les diamants ayant servis de monnaie d’échange pour procurer des armes à des factions rebelles ou à des forces opposées aux gouvernements légitimes et reconnus provenaient de ces dépôts secondaires, des sites d’exploitation artisanale.
Les « diamants de la guerre » ou « diamants de sang » comme présentés dans le film sont ceux qui sont négociés illégalement pour financer des conflits armés, en violation des décisions du Conseil de sécurité de l’ONU, particulièrement en Afrique centrale et occidentale. Notez que la source du problème est avant tout politique.
Vers la fin des années 90, un conflit particulièrement violent au Sierra Leone a attiré l’attention du monde entier. Des groupes rebelles vendaient illégalement des diamants pour financer leurs opérations. À cette époque, on estimait que les diamants de guerre pouvaient représenter environ 4 % de la production mondiale. D’autres conflits armés étaient aussi financés de la même façon en Angola, en Côte d’Ivoire, au Liberia et en République du Congo. Il fallait rapidement faire cesser ce trafic illégal de diamants.
En 2000, une collaboration extraordinaire s’est établie entre l’industrie du diamant, les Nations Unies, les gouvernements des pays où transigent les diamants bruts et diverses organisations non gouvernementales. Ils ont immédiatement mis en place le Processus de Kimberley*. Depuis 2003, cette loi a été adoptée par 71 pays et contrôle la chaîne d’approvisionnement diamantaire. En résumé, cette loi exige que chaque lot de diamants bruts qui traverse une frontière soit accompagné d’une documentation, ce qui signifie littéralement un passeport pour chaque carat… Quiconque accepte de tailler des diamants bruts de provenance non identifiée est passible d’une peine d’emprisonnement sévère. Et ce sera tolérance zéro.
L’industrie du diamant a aussi adopté un système de garanties volontaire pour assurer aux consommateurs que leurs diamants ne proviennent pas de sources illégales. En tant que bijoutière professionnelle membre de la Corporation des bijoutiers du Québec et de l’Association canadienne des bijoutiers, C. Rivet, Gemmologiste, Bijoux de Création a adopté ce système de garanties en choisissant ses fournisseurs parmi ceux qui garantissent à leur tour la provenance légale de leurs gemmes.
Voilà pourquoi il ne faut pas cesser d’acheter du diamant générique. Aujourd’hui, plus de 99 % des diamants proviennent de pays pacifiques. Grâce à l’industrie du diamant, chaque enfant du Botswana (premier producteur mondial avec près de 30 % de la production totale) a aujourd’hui accès à l’école gratuitement jusqu’à l’âge de 13 ans. Grâce à l’industrie du diamant, 5 millions de personnes ont accès à des services de santé au Botswana, en Namibie et en Afrique du Sud. À travers le monde, on compte plus de 10 millions de personnes qui bénéficient d’un revenu direct ou indirect de l’industrie du diamant, dont un million en Inde, où se situent maintenant les plus grandes tailleries. L’industrie du diamant génère plus de 40 % des revenus des exportations annuelles de la Namibie. L’association caritative « Jewelers for Children » finance un programme médical communautaire pour les orphelins d’Afrique du Sud. Le groupe « Diamond Development Initiative » a été créé pour améliorer les conditions de travail des ouvriers dans les exploitations diamantifères artisanales. Et, comme le dit le président du Botswana, Festus Mogae : « Votre joie d’offrir des diamants fait notre joie d’avoir de la nourriture sur nos tables. » Ce qui me permet de dire que trop souvent, hélas, les producteurs d’Hollywood ne nous font voir qu’un côté de la médaille, celui qui fait vendre leurs films!
Carmen Rivet est propriétaire de la bijouterie qui porte maintenant son nom, une entreprise familiale fondée à Montréal en 1955. Diplômée du Gemological Institute of America de Los Angeles, elle s’est établie à Saint-Lambert en 1987. Professeure de gemmologie pendant plus d’une douzaine d’années, elle enseigna principalement les cours… sur le diamant. Elle fut présidente de l’Association canadienne des bijoutiers en 2004-2005. Elle a été membre du bureau de direction de JVC de 1990 à 1995 et est membre de la Corporation des bijoutiers du Québec depuis… on ne compte plus les années !
*Pour plus de détails : www.kimberleyprocess.com