Achetez-vous une copie?

Voici la triste histoire vécue d’un gars tranquille… Appelons-le Alex.

Alex s’est acheté une belle montre pour se faire plaisir, pour se gâter, d’un grand nom de l’industrie horlogère, dont le fier ambassadeur est le meilleur golfeur au monde. Cette montre se vend normalement 4000 $ chez un bijoutier, mais il la trouve sur Internet à 1500 $. Wow, toute une aubaine ! On l’ajoute au panier, on calcule les frais de livraison, de manutention et d’assurances, et le total indique 1545 $. Parfait, on donne le numéro de la carte de crédit.

C’était en dollars US. La banque lui facture le taux de change de 4,2 %, plus un tarif bancaire. Sa facture vient de monter à 1645 $.

Ce n’est pas grave, c’est toujours mieux que le prix de détail suggéré par le fabricant. C’est encore moins que la moitié du prix.

Il reçoit son paquet ; la montre est flambant neuve. Il est content. Il l’apporte chez son bijoutier local, afin de faire ajuster le bracelet : 15 $.

Ce n’est pas grave, Alex est toujours gagnant !

Un an plus tard, il doit faire changer la pile. C’est surprenant, de nos jours, qu’une pile ne fasse pas plus d’un an…

Ce n’est pas grave, la pile coûte 12 $, mais 50 $ si on se baigne avec la montre. Il faut donc faire un test d’étanchéité. Alex choisit de payer 12 $.

Ce n’est pas grave, Alex ne se baignera plus avec sa montre et espère que la nouvelle pile durera plus qu’un an ! Le bijoutier l’aurait changée sans frais, s’il avait eu le plaisir de vendre la montre à Alex.

Deux mois plus tard, la montre ne tient pas l’heure. Le problème n’est pas lié à la pile. Alex fouille dans sa boîte et est heureux d’y trouver une garantie. Ah ! Il retourne chez le bijoutier. Ce dernier lui explique que la montre, qui est sur garantie, doit être retournée chez le fabricant. Le service canadien se fait de Toronto. Alex devra assumer des frais de poste, de manutention et d’assurances de 20 $ pour que le bijoutier l’achemine à Toronto, et probablement 20 $ seront aussi facturés par le fabricant pour retourner la montre au bijoutier.

Ce n’est pas grave, il l’a payée 1500 $ au lieu de 4000 $. En fait, Alex a payé 1712 $ au total jusqu’à maintenant.

L’atelier de réparation de la marque prestigieuse envoie au bijoutier son estimation du coût des réparations : 496 $. Le bijoutier réplique au fabricant que la montre est sur garantie et qu’il ne devrait pas y avoir de frais. Le fabricant demande au bijoutier de voir la facture d’achat. Le bijoutier appelle Alex, qui répond qu’il n’a que pour seule facture son relevé de carte de crédit, puisque le site Internet ne lui a pas fourni de facture. Tout ce qu’il trouve, c’est seulement un bon de livraison. Il fait donc une photocopie de son relevé de carte de crédit. Il apporte ses papiers chez le bijoutier, qui achemine le tout à Toronto.

L’estimation du coût des réparations revient chez le bijoutier. Le montant de 496 $ est toujours facturé, avec une mention imprimée en très gros caractères au centre de la page : « SOLD BY UNAUTHORIZED DEALER. WE DO NOT HONOUR THE GUARANTY » (non vendue par un dépositaire autorisé, nous [le fabricant] n’honorons pas la garantie).

Le bijoutier appelle Alex pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Alex est frustré, et le bijoutier écope de sa colère. Alex finit par se dire qu’il a déjà déboursé 1500 $… donc il ne va pas perdre ce montant. Il autorise la réparation de sa montre.

Ce n’est pas grave, Alex pense qu’il a payé 1500 $, puis maintenant 496 $, donc il est toujours loin du prix de détail suggéré du fabricant, de 4000 $. En réalité, il a dépensé 2208 $ jusqu’à maintenant.

À l’atelier du fabricant, on commence la réparation. L’horloger qui défait la montre en voit tous les jours, il connaît son produit, il est minutieux. Tout se fait sous l’œil de deux caméras performantes pour former le nouveau personnel et assurer une qualité de travail impeccable. Cependant, au cours de son travail, l’horloger est forcé d’admettre qu’il s’agit d’une montre contrefaite. Il s’agit d’une excellente copie, puisqu’il n’avait pas pu voir certains détails lors de son examen préliminaire pour faire son estimation. Des photos sont prises, et un dossier est monté chez le fabricant.

Alex reçoit une lettre en même temps que le bijoutier, expliquant qu’après avoir démonté le mécanisme, « Il est clair que cette montre n’est pas fabriquée par nos ateliers et qu’il s’agit d’une contrefaçon… de plagiat… d’une utilisation illégale de la marque… Nous saisissons cette montre sans compensation, ni pour l’intermédiaire (le bijoutier) qui nous a fait parvenir la montre ni pour le consommateur… »

Le fabricant détruira l’objet… Le consommateur peut exiger le retour de son produit, en pièces détachées et broyées, moyennant des frais d’estimation, de port et de manutention avec les photos et les explications…

Alex n’a pas économisé 2500 $ comme il le croyait ; il a perdu 2208 $. Il a choisi de ne pas récupérer sa montre. C’est grave.

Pire encore, Alex est fâché contre le bijoutier, qui ne lui a pas vendu la montre, qui a perdu de son temps et de l’argent pour les frais qu’il a déboursés en le servant.

Récemment, les autorités du Paraguay ont saisi pour plus de 34 millions $ US de montres contrefaites, des répliques des marques Patek Philippe, Tag Heuer, Tissot et Hublot. Les autorités ont décrit les produits comme étant de haute qualité. Ils passaient par l’aéroport international Silvio Pettirossi, à Asuncion, et étaient possiblement destinés au marché américain.

Les grandes marques de renommée internationale se sont unies cette année et ont réussi à faire fermer plus de 2000 sites Internet qui offraient des montres contrefaites avec des garanties et des instructions copiées, ainsi que les boîtes et les emballages (mentionnons Gucci, Hermès, Tag Heuer, Rolex, Tissot). C’est à croire qu’il se vend plus de copies que d’originales.

Une histoire comme celle d’Alex n’arrive pas quand on achète d’un bijoutier qui a pignon sur rue et qui fait des affaires dans notre voisinage depuis longtemps. Ce commerçant local sera là encore l’an prochain pour donner du service après-vente sans frais sur les produits qu’il vend, et pour des échanges, si nécessaire. Il faut cependant s’attendre à payer les frais de gestion, si on a acheté ailleurs, et à ne pas pouvoir échanger la marchandise, si on a acheté sur Internet. C’est simple, il me semble !

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